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06 juin 2019

Nos cabanes

                                                                                        *

La terre n'est pas muette donc. Mais comment entendre ses idées? Nous n'avons pas l'habitude d'être à l'écoute des

choses qui ne parlent pas; nous ne savons pas comment nous y prendre pour les entendre et pour nous relier à elles

(c'est d'ailleurs ce qui nous rend un peu envieux des cultures animistes, qui savent y faire et transmettent de bonnes

manières); au mieux savons-nous les ventriloquer, parler en leur nom, en tenant pour un interlocuteur unique ("la

nature").

Comment entendre, par exemple, le discours de l'eau - et notamment ce que le silence terrifiant de la Méditerranée

a bel et bien à dire? Il suffit peut-être de l'interroger, de l'inviter à comparaître. Par exemple à comparaître au

procès en responsabilité des vies perdues sur nos côtes, qu'il faudra bien tenir un jour. L'eau sans doute, ne peut pas

répondre mais elle peut paraître à la barre, témoigner, accuser même, si l'on se met à l'écoute de ce dont, très

concrètement, son silence et son opacité se souviennent. L'eau en effet ne se contente pas d'ensevelir, elle retient,

conserve, enveloppe ce qui s'y love, par là se souvient, et peut donc témoigner.

 

Ecouter ce qu'elle a à dire, c'est écouter ce témoignage, avoir à entendre un tout nouveau témoignage (car la

Méditerranée disait bien autre chose avant). Ce n'est pas seulement que l'eau désormais gémisse, c'est qu'elle porte

plainte : elle porte la plainte, la recueille, la soutient.

 

 

                                                                                                                              Marielle Macé, Nos cabanes. Verdier

 

 

 

 

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